Discours du thrône

Mesdames et Messieurs les membres des États généraux,

Les Néerlandais ont la faculté de toujours s’adapter aux circonstances. Nous l’avons de nouveau observé durant la crise des dernières années. Et le résultat est là : la croissance économique est de retour. Grâce aux efforts et à la persévérance des chefs d’entreprise, des employés et de nombreux autres acteurs sociaux, les Pays-Bas vont relativement bien sur le plan socioéconomique. La reprise n’est pas seulement due aux exportations, mais aussi à d’autres facteurs comme la croissance de la consommation, le retour des investissements et le net rétablissement de secteurs importants tels que le bâtiment et le logement. Pour la première fois depuis longtemps, les prévisions de croissance dépassent les 2 % et les finances publiques évoluent de manière favorable.

Ce sont autant de raisons d’envisager l’avenir avec sérénité et confiance, mais sans se reposer sur ses lauriers. Le chômage est encore élevé. Malgré les créations d’emploi, trop de gens ne trouvent toujours pas de travail.

Par les réformes prévues du régime fiscal, le gouvernement veut donner une impulsion à la croissance de l’emploi et au pouvoir d’achat des ménages. Le coût du travail sera baissé pour les personnes employées au salaire minimum et juste au-dessus. Il sera ainsi plus attrayant financièrement d’embaucher des personnels d’entretien, des assistants d’éducation et des caissières. La baisse de l’imposition du revenu stimule la consommation et, partant, l’emploi. De cette manière, et par l’augmentation possible des salaires dans les secteurs public et privé, tous les travailleurs pourront voir leur pouvoir d’achat augmenter. Pour les retraités et les bénéficiaires d’allocations, le pouvoir d’achat sera maintenu.

Il importe que tout le monde sente les effets de la reprise, de sorte à oser de nouveau envisager l’avenir avec optimisme. Les Pays-Bas connaissent une longue tradition de partage équilibré des revenus ainsi qu’une importante et forte classe moyenne. Des générations ont grandi avec la conviction qu’entreprendre, étudier, travailler et s’investir socialement amélioreraient leur situation. Maintenant que l’économie repart, et que se profile prudemment la possibilité de redressement du pouvoir d’achat et de l’emploi, nous pouvons retrouver la confiance en un avenir meilleur pour les générations futures.

Le gouvernement y contribue en garantissant la qualité et l’accessibilité des services publics. Nos concitoyens doivent pouvoir compter sur des soins de qualité, un enseignement accessible et efficace, des prestations sociales adéquates et un solide régime de retraite. Cela leur permet, avec des marchés du logement et de l’emploi fonctionnant bien, de se forger leur avenir. C’est ce que visent les nécessaires réformes de ces dernières années. Soutenues par une large partie de la classe politique, elles répondent au besoin de liberté de choix et au désir d’autonomie et de personnalisation.

Beaucoup de ces mesures viennent d’être engagées, l’enjeu consiste maintenant à les mettre en œuvre avec soin, en se souciant des effets imprévus et indésirables, en particulier pour les plus vulnérables. Le gouvernement s’y emploiera durant les prochaines années. Là où des difficultés apparaîtront, des adaptations seront nécessaires, comme dans le cas de la prestation d’autonomie.

Chacun veut vieillir en bonne santé et autonome. Si cela n’apparaît plus possible, nous voulons pouvoir prétendre à une aide et à des soins de qualité, pour vieillir dans la dignité. Une enveloppe supplémentaire de 210 millions d’euros sera désormais destinée à améliorer les prestations dans les établissements de soins et à faciliter une approche plus personnalisée.

Le gouvernement présentera cet automne un programme de travail exposant en détail ce qu’il prévoit pour le futur régime de retraite. Il importe que tous les travailleurs aient la possibilité de se constituer une bonne retraite. Le système peut être plus clair, plus simple et davantage individualisé, en trouvant le juste milieu entre liberté de choix et partage des risques.

Les jeunes parents obtiendront plus de facilité pour concilier travail et vie de famille. L’allocation garde d’enfant sera augmentée. Des places supplémentaires d’accueil de la petite enfance seront créées à un tarif accessible à tous les parents. Le congé de paternité sera allongé.

La politique de réforme menée dans l’enseignement supérieur se traduira par la création de 4 000 postes de professeurs et de quelques centaines de fonctions d’enseignant-chercheur. Pour les étudiants, cela signifie concrètement une attention personnelle fortement accrue, un encadrement plus intensif et un meilleur accès au marché du travail. Cet investissement dans la qualité de l’enseignement sera financé par les moyens libérés du fait de l’introduction du prêt étudiant.

En novembre 2015, le gouvernement présentera l’agenda scientifique national, établi en étroite coopération avec des chercheurs de renom et des chefs d’entreprise de premier plan. Le but est de développer les points forts du secteur scientifique néerlandais et d’arrêter les choix qui affirmeront le profil des instituts. Cela ne rehaussera pas seulement la stature internationale de nos universités, mais renforcera aussi la capacité d’innovation et la compétitivité de notre industrie et d’autres secteurs de la connaissance.

L’ensemble de ces mesures, réformes et investissements contribuera au redressement économique et au maintien de la qualité élevée de notre vie sociale. Une qualité qui a aussi une composante immatérielle. D’aucuns s’inquiètent de la détérioration des rapports sociaux et du savoir-vivre. Aux Pays-Bas, la tolérance et la grande liberté individuelle vont traditionnellement de pair avec une forte solidarité et un sens collectif très développé. Ces valeurs partagées représentent un important capital social. Elles permettent à tous les habitants du Royaume de s’épanouir librement, de se savoir protégés et de se sentir chez eux. Ce mode de vie très apprécié est aussi un élément central de la célébration du bicentenaire de notre Royaume. Les Pays-Bas continueront à préparer l’avenir avec les parties caraïbes du Royaume.

Le gouvernement a une fonction exemplaire dans la transmission de nos valeurs partagées. L’intégrité de l’administration publique ne peut être remise en question. Le gouvernement établit des règles et les met en œuvre pour veiller à l’ordre public et à la sécurité. Là où le monde probe et le milieu interlope se mêlent, il faut intervenir. Des moyens supplémentaires seront affectés à cette fin.

Les valeurs ne sont toutefois pas seulement l’affaire des pouvoirs publics, mais aussi celle de tous les habitants de notre pays. Celui qui fait prévaloir son intérêt personnel et ses propres convictions limite la liberté d’action d’autrui et met à mal les valeurs et les acquis collectifs. Les rapports humains normaux et respectueux exigent justement vigilance et attitude active de chacun de nous, comme il sied à notre longue tradition de citoyenneté responsable. C’est d’autant plus vrai lorsque des policiers, des agents d’entretien de la voierie, des ambulanciers et d’autres qui s’investissent corps et âme pour la chose publique sont victimes de violence verbale ou physique.

La menace que représentent la radicalisation et les attentats terroristes en Europe met notre société à rude épreuve. Au-delà de la question de la sécurité des personnes, elle constitue aussi un terreau de défiance et un danger pour la cohésion sociale dans notre pays. Il ne faut pas laisser les conflits étrangers nous diviser. Nous devons à tout prix nous armer contre cette menace. C’est pourquoi le gouvernement réservera durablement des fonds supplémentaires pour renforcer la mission opérationnelle des services de sécurité, le recueil et l’analyse d’informations, et la politique de prévention.

La menace d’un attentat terroriste n’est pas un problème isolé mais la conséquence directe de l’éclosion de mouvances djihadistes en Syrie, en Irak et dans d’autres pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Par ailleurs, l’année passée, l’annexion de la Crimée par la Russie et le conflit dans l’est de l’Ukraine ont aggravé l’instabilité aux frontières de l’Europe. Les foyers d’insécurité menaçant l’ordre juridique international ne manquent pas, comme au Mali, au Yémen ou en Afghanistan. Tous ces développements ont un impact direct et indirect sur notre sécurité et notre liberté.

Le problème qui se pose avec le plus d’acuité est celui du nombre considérable de personnes qui tentent, à bord d’embarcations souvent douteuses et surchargées, ou par d’autres moyens, de rejoindre l’Europe pour y demander l’asile. Les images poignantes qui nous parviennent quotidiennement, de l’île de Kos et de Calais notamment, révèlent un cortège de problèmes et de souffrances humaines auxquels il serait illusoire de vouloir apporter une solution simple et rapide. Conflits militaires, instabilité politique, violations des droits de l’homme, pauvreté et absence de perspectives d’avenir en sont les causes.

Le flux croissant de réfugiés exige une approche volontariste. Face aux tensions que la situation actuelle provoque en Europe, il est nécessaire de faire des choix rigoureux pour limiter les flux d’arrivée et mieux répartir les migrants entre les États membres. Une approche intégrale s’impose, prenant en compte l’ensemble des facteurs pertinents. Elle inclut notamment la gestion internationale des conflits, l’accueil des réfugiés dans leur région d’origine, la lutte contre le trafic d’êtres humains, une procédure d’asile stricte mais juste dans chacun des pays, une politique de retour efficace et des perspectives d’intégration pour ceux qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine. C’est le seul moyen de concilier l’aspect humanitaire et le soutien de l’opinion publique, aux Pays-Bas et dans les autres pays européens.

En matière de politique étrangère, le gouvernement fait résolument le choix de la coopération internationale et d’une approche intégrée, sous la bannière notamment de l’UE, de l’OTAN et des Nations unies. L’intervention militaire et l’action juridique doivent aller de pair avec le renforcement de la société civile, la consolidation de l’État de droit, la diplomatie régionale, l’aide d’urgence et la promotion du commerce.

Les États membres de l’OTAN veulent faire en sorte que l’organisation soit en mesure de réagir plus rapidement aux menaces, quelle qu’en soit la provenance. À cet effet, des réformes sont nécessaires, autant du point de vue de la prise de décision politique que du point de vue militaire. À partir de 2016 et pour le long terme, le gouvernement libérera des fonds supplémentaires pour les forces armées : 220 millions d’euros l’an prochain, et jusqu’à 345 millions ultérieurement. Ces fonds seront notamment destinés au renforcement de la capacité de déploiement opérationnel. Par ailleurs, une enveloppe complémentaire sera disponible pour le financement de la participation des Pays-Bas aux missions militaires. Les efforts des soldats néerlandais en faveur de la paix et de la sécurité sont impressionnants et dignes d’admiration.

Thèmes majeurs au niveau international, la sécurité et les migrations marqueront aussi la présidence néerlandaise de l’Union européenne au premier semestre 2016. Durant leur mandat, les Pays-Bas ont l’ambition d’être un pragmatique bâtisseur de ponts. Car ce n’est qu’en unissant nos forces que nous pourrons garantir notre sécurité collective, protéger nos valeurs communes et promouvoir au mieux le bien-être et la prospérité des habitants de l’Europe. Il importe pour notre pays de favoriser la croissance économique et de créer le plus possible de vrais emplois. Nous avons besoin pour cela d’une Europe innovante, dotée d’un marché intérieur efficace et entretenant des relations commerciales ouvertes avec le reste du monde. La situation de la Grèce et le référendum britannique sur l’appartenance à l’UE seront deux autres sujets incontournables durant notre présidence. Le gouvernement veut continuer à œuvrer à une Europe qui fonctionne mieux et se concentre sur ses missions principales.

Le sommet des Nations unies sur le climat, qui se tiendra à Paris en décembre 2015, est un podium important qui doit permettre à l’UE d’afficher son unité. En concertation avec les autres États membres de l’UE, les Pays-Bas axent leurs efforts sur la réduction notable des rejets de substances nocives par rapport au niveau de 1990. Les multinationales néerlandaises ont d’ores et déjà valeur d’exemple au niveau international en matière de gestion durable et de compétences écologiques. Le gouvernement accorde des avantages fiscaux aux entreprises qui investissent dans des techniques respectueuses de l’environnement.

La promotion d’une économie durable et la lutte contre le changement climatique sont des thèmes transversaux majeurs, dont les conséquences pour les générations futures sont directes et très concrètes, surtout pour un pays comme le nôtre, situé pour une grande partie au-dessous du niveau de la mer. C’est pourquoi la protection contre l’eau est une priorité. Dans les années à venir, des travaux seront menés dans de nombreux endroits pour renforcer les digues et les zones de dunes, en faisant souvent appel à des méthodes extrêmement innovantes. Ainsi la restauration de la digue de fermeture combinera-t-elle sécurité, valorisation du milieu naturel et production énergétique. De tels projets consolident la bonne réputation internationale et la position concurrentielle de notre secteur de l’eau, tout en contribuant à garantir notre approvisionnement énergétique futur.

Cette année, le gouvernement a décidé de réduire les extractions de gaz dans la province de Groningue en raison des tremblements de terre. En concertation avec les habitants de la région, le Coordinateur national pour Groningue travaille à l’établissement d’un plan de consolidation des habitations. La moindre disponibilité de la ressource gazière rehausse l’importance des engagements pris dans le cadre de l’Accord sur l’énergie concernant le développement de nouvelles sources d’énergie. En décembre 2015, le gouvernement publiera un rapport sur la stratégie néerlandaise en matière d’approvisionnement énergétique.

Mesdames et Messieurs les membres des États généraux,

Les Pays-Bas sont un pays stable et agréable à vivre. Faire en sorte que cela continue exige l’engagement de chacun et un investissement constant dans la société. Dans un contexte d’instabilité internationale et de changement social, de nouvelles questions émergent sans cesse. Pour la période à venir, le gouvernement a pour ambition de contribuer à la stabilité internationale, de favoriser la poursuite de la reprise économique et la croissance de l’emploi, ainsi que d’œuvrer à la mise en œuvre efficace des réformes engagées, afin que les Pays-Bas restent un pays qui offre à chacun des perspectives et la confiance dans l’avenir. C’est ce à quoi le gouvernement veut parvenir avec vous. Puissiez-vous remplir votre mission en sachant que beaucoup vous souhaitent la sagesse nécessaire et se joignent à moi pour prier que vous soient données la force et la bénédiction de Dieu.